25/09/2009

Chapitre 1. COMME UN PETIT GARÇON FÉBRILE DANS LA COUR DES GRANDS

Heiligendamm, sommet du G 8 - 7 juin 2007

...Monsieur le président, ça va être à vous!
...L’officier de sécurité me fait signe d’avancer en indiquant sa montre, je le suis dans le couloir qui mène à la salle de conférence.
...Ça va aller, monsieur le président ?
...Ça va, je suis pas sourd… Pourquoi il me dit ça? J’ai l’air si mal en point? Je m’en sors par une pirouette mais dans mon for intérieur je n’en mène pas large. J’aurais pas dû accepter de boire de la vodka, j’ai pas l’habitude. J’ai accepté par forfanterie. J’ai bien senti qu’il me testait. Bon, quand faut y aller, faut y aller. L’homme à la mallette Jupiter s’impatiente. Allons-y, Alonso… J’ai laissé un message à Dadu, j’aurais bien aimé lui parler avant d’entrer dans l’arène. Tant pis. J’aime pas cette solitude. Ce type a un regard d’acier, il fout la trouille. Bon sang, ça fait longtemps que je m’étais pas senti aussi mal…
...Ça va bien se passer, ne vous inquiétez pas, monsieur le président. De toute façon, ces points de presse sont purement formels, alors…
...Purement formels! Je voudrais t’y voir, moi! C’est mon premier G8, j’ai pas intérêt à me planter. Tu as le trac, mon fils, c’est humain. C’est ça qu’elle m’aurait dit, Dadu. Il faut que tu sois fort, maintenant que tu es président…
...– Tu ne bois pas?
...Poutine me fixe droit dans les yeux, inflexible. Si je refuse je sens que ça va mal finir. Je plonge mes lèvres dans le verre de vodka qu’il vient de me tendre. Il sourit. Il ne lui a pas échappé que j’avais juste humé…
...– Laisse-moi te dire une chose, Nicolas Sarkozy… Le plus dur n’est pas de garder le pouvoir, mais d’y accéder… Regarde, moi, je me fais nommer Premier ministre et je mets Medvedev au Kremlin. Pourquoi se compliquer la vie? Vous, les Occidentaux, vous adorez vous compliquer la vie! Bois, je te dis. Ça va te détendre. On a fait le tour des questions d’actualité, on peut bien se relâcher un peu, non?…
...– Euh… je ne bois jamais d’alcool, Vladimir. Je ne sais pas si…
...– Adolf Hitler non plus ne buvait pas d’alcool… à part du champagne… Tu vois où ça l’a mené? Allez!
...Je ris jaune. Et je trinque.
...– Je suis bien d’accord avec toi, Vladimir Poutine. J’ai mis du temps à accéder au pouvoir, mais maintenant c’est parti. Les Français vont en avoir pour leur argent, je vais les gaver comme des oies, ils n’auront pas le temps de se retourner… C’est ma stratégie…Mindenhol vagyok.
...– Mindenhol vagyok?
...La traductrice me fait répéter. Comme c’est du hongrois je lui traduis en français. Poutine apprécie tellement la formule qu’il la note sur un calepin en hochant doctement la tête. Wouaw, le stylo… la classe!Il te plaît, mon stylo? Il est à toi, Nicolaï Sarkozitch!! Elstine, c’est ça qu’il aurait dit, mais lui… Pas un mot. Un robot.
...Mindenhol… vagyok. Da… da. J’aime ta force de conviction. J’aime ton ambition, Nicolas Sarkozy.
...– Merci pour le compliment, Vladimir Poutine… Pour garder le pouvoir, j’ai deux règles: être ignoble avec les faibles et servile avec les puissants, il n’y a pas d’autre solution, crois-moi. Tu sais qui m’a donné cette idée, Vladimir?
...Niet. Jacques Chirac?
...Ça, pas besoin de la traductrice pour comprendre.
...– Tu vas rire… C’est Louis de Funès, dans le film Le grand restaurant. Dadu… c’est comme ça qu’on surnomme ma maman… un jour elle m’a dit que je lui faisais penser à Louis de Funès… Elle pouvait pas m’faire plus plaisir étant donné que je vénère cet acteur…

...Et toc, une petite grimace à Poutine. J’ai eu du mal à le dérider mais j’y suis parvenu. Il éclate de rire, sans desserrer les dents. Je suis content d’avoir fait mouche avec ma petite imitation, à peine vingt secondes après lui avoir vendu ma petite théorie de l’espace vital.
...Il choque son verre de vodka contre le mien.
...Nazdrovie. Comment on dit chez vous?
...– A la tienne, Etienne! Tchin-tchin, monsieur le président! A la santé de la France qui se lève tôt et de la Russie éternelle…
...– A la Russie éternelle qui se saoule tôt! Nazdrovie! A propos, Nicolas Sarkozy, sais-tu pourquoi Hitler ne buvait que du champagne Bollinger?
...Je croise le sourire contrit de la traductrice.
...– Hitler était obsédé par les attentats, et les bouteilles de champagne Bollinger étaient les seules dont le cul était plat. On ne pouvait donc pas y dissimuler de bombe… Mindenhol… vagyok!
...J’aimerais bien qu’il arrête son cirque avec Hitler mais je rigole. Poutine en profite pour me servir un second verre, je peux pas dire non. J’ai la tête qui tourne, ça me rappelle la cuite chez le type qui me faisait réviser mon français l’année où j’ai repiqué ma sixième… C’était un copain de Desprez, le protal de Saint-Louis, comment il s’appelait, déjà? Faudra que je demande à Dadu… On avait liquidé une bouteille de porto avec lui et sa femme, je sais pas c’qui lui avait pris… il était déchaîné… j’avais vomi, j’me suis bien juré de plus jamais recommencer… Noble ami de Monceau, c’est grâce à toi que je ne bois jamais d’alcool! Je pense à toi, parfois, tu dois être vieux, à présent…
...Vladimir Poutine marmonne quelques mots en russe. La traductrice hésite à officier. Il lui donne le feu vert d’un signe discret de la tête.
...– Le président… dit que vous avez le regard chargé de mélancolie…
...Je déteste la façon dont il a prononcé ces mots. Je ne sais pas s’il s’est rendu compte qu’il avait fait mouche.
...– Il faudra que tu passes me voir dans ma datcha, Nicolas Sarkozy. Tu viens avec ton épouse, je te ferai spécialités culinaires KGB!
...Poutine se marre comme une baleine, faut le voir pour le croire.
...C’est sur cette proposition insolite que nous avons pris congé.
***
...L’officier de sécurité était nerveux. J’avais besoin de m’isoler quelques minutes, alors je lui ai dit qu’il fallait que j’aille à l’endroit où même les rois vont à pied. Il n’avait pas l’air de comprendre. Ces militaires…
...– Le petit coin! Coin-coin… Voilà ce qui arrive quand on boit des canards avec l’empereur de Russie.
...Ça ne le faisait pas rire. Je me ferai jamais aux militaires. Il m’a accompagné jusqu’aux waters, j’ai bien cru qu’il allait me tenir la porte.
...Je me suis soulagé, en fermant les yeux. Ça chavirait dans ma tête. J’avais mal à l’estomac. J’ai fermé les yeux en serrant très fort ma bite. Quand j’étais môme j’aimais bien toucher ma quéquette à travers le survêt’ en marchant. Le seul à qui j’ai osé en parler c’est Bigard, il a pris un air consterné, il a dit «Oh, le sketche ! C’est pour ça que t’aimes autant le jogging, mon salaud!…» Qu’est-ce que je me marre avec Jean-Marie! Je vais l’emmener avec moi au Vatican cet automne, je me ferai moins chier… Bon, c’est bien joli tout ça… faut pas que je me précipite sinon je sens que je vais tourner de l’œil, ça la ficherait mal pour mon premier sommet. Piiiinaiiize! Il se passe de drôles de trucs, Marge!… J’ai la tête qui tourne!
...Un petit sketche avec Homer Simpson, rien de tel pour se détendre.

...Je ferme les yeux. Très fort. Des lucioles de toutes les couleurs dansent dans la nuit, quand j’étais petit j’aimais bien marcher comme un aveugle, en me tenant la quéquette comme si c’était une boussole. Je ferme les yeux, je marche jusqu’à ce que je rencontre un obstacle. Même pas peur…
...Je marche dans les rues d’un village. Il fait sombre, la nuit est en train de tomber, j’ai pas envie de traîner. Je commence à courir, et patatrac, je me casse la figure. Je me relève. J’ai mal au coude. La manche de ma chemise est déchirée, j’ai les mains pleines de boue, les rues de ce village ne sont pas propres, j’aime pas ça, c’est plein de boue partout. La boue, c’est sale, ça colle, ça tache, ça pue. Je sais de quoi je parle, avec le nom que je porte. C’est papa qui m’a dit ça, une fois… La vache, qu’est-ce que j’ai mal au ventre… Une des rares fois où il a pris le temps de s’intéresser à moi, c’était pour me dire ça… Le salaud! Remarque, dans un sens, c’est à cause de cette petite phrase que je suis devenu président, je lui suis au moins redevable de ça… Je sais plus quel est le connard de psy qui a dit ça un jour, je crois que c’est ce trouduc de Winter, mais il avait pas tort… Comment il avait tourné ça, déjà, papa? Ton nom est lourd à porter, mon fils. Et moi, du haut de mes sept ans… Ah bon? Pourquoi tu dis ça, papa? Il avait pris un air conspirateur et m’avait expliqué en m’offrant des bonbons, la Pie qui chante, je me rappelle comme si c’était hier… la seule fois où il m’a emmené au cinéma, je sais pas ce qui lui avait pris… Le grand restaurant, sur les Champs, on s’était bien poilés, surtout quand de Funès imite Hitler… Bon, ça va pour aujourd'hui, Adolf… Après, on était allés à la pizzeria place Wagram… Et pour une fois, au lieu de draguer les minettes en roulant les «r» comme un prince des Carpathes, il s’est un peu occupé de moi.Sàrközy. Sàr : la boue. Közy : entre. Mon fils, tu es né d’entre les boues, ce sont de drôles de particules que je t’ai laissées là… Le salaud! Dire ça à un môme… ENTRE LES BOUES. J’arrivais pas à comprendre. J’ai jamais compris. J’ai mal au ventre, à la tête… J’ai mal partout. Je déteste ce nom. Envie de vomir. Entre les boues…C’est toujours comme ça quand je suis en voiture. On a bien joué avec Poupette, la poule voulait plus redescendre du cèdre du Liban, qu’est-ce qu’on s’est marrés! – C’est bien fait pour toi, ça t’apprendra, t’avais qu’à pas t’empiffrer de gâteaux, gros porc. – Gros porc toi-même, tu vas voir ta tête, Guillaume, si tu crois qu’tu m’fais peur! – Maman, Nicolas me donne des coups de pied ! – C’est très vilain de rapporter, Guillaume ! Et toi, Nicolas, laisse un peu de bonbons à tes frères, partage… Non, mais vous allez bientôt vous calmer, à la fin!! Tu as fini de gigoter, Nicolas!…

...– Monsieur le président? Tout va bien?
...– Hein ? Oui, j’arrive…
...– Vous êtes en retard, ils vous attendent.
...Commence à me gaver, le gardien de Jupiter… Même pas peur. Hein, maman, que j’ai pas peur?!
...– Vous m’avez parlé, monsieur le président?
...Non, rien, je parle à ma bite…
...Vite, je remballe Popaul. La bite du président, j’en connais qui donneraient cher pour la sucer! Un vrai lâcher de salopes, comme il dit Jean-Marie… Putain, les mecs, je suis président de la République, j’en reviens pas! Je rouvre les yeux, doucement. Wouh… J’ai pas bonne mine, moi! Plus que cinq ans à tirer… Faut que je fasse un discours, on peut pas y couper. Ils attendent. Je suis l’officier de sécurité dans le couloir, la vodka fait pas bon ménage avec les amphètes, je titube un peu, la vache. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir leur raconter! Debout, Nicolas. Lève-toi… Elève-toi d’entre les boues. Envole-toi… Imagine que tu es un oiseau… T’entends ça, le paternel? Président de la République, l’étage au-dessus c’est Dieu, je peux pas mieux faire… J’aurais préféré que tu sois président des Etats-Unis, mon fils… Le jour où il m’a glissé ça à l’oreille je l’aurais tué… Combien de fois j'ai eu envie de l'étrangler, je préfère pas compter.
...Mais pourquoi j’ai repris de la vodka, bordel!
...Tout ça, c’est à cause d’Hitler…
...Putain, ils sont nombreux, là-dedans. J’ai l’impression d’être au cirque. Va savoir pourquoi, je pense à Jacques Martin. Ma bite me fait mal. Tu peux pas me faire ça, Cécilia!
...Bonjour les enfants… Vous allez bien?
...OUUUUUIIIIIIII!
...Vous êtes sûrs que vous allez bien, les enfants?
...OUUUUUIIIIII!
...Vous avez envie de chanter une petite chanson?
...OUUUUUIIIII!
...Oh putain! Faut que je me reprenne.

...Je tripote les micros. Un truc de Chirac. Le vieux lion m’a enseigné quelques bons trucs, quand même.Soigne ta droite, Sarkozy, sois naturel. Arrache-toi les tripes. Donne des coups de poing dans ta peur. Pense à Nice. Souviens-toi comment tu les as tous niqués…Palper le micro, montrer du doigt au loin un truc imaginaire en prenant un air inspiré de vieux sage, répondre systématiquement à une question par une autre question pour déstabiliser ces blaireaux de journalistes… Non, ça, c’est Pasqua… Ecoute-moi bien, Sarkozy… Tu prends ton air le plus offusqué, tu fixes le guignol droit dans les yeux comme s’il venait d’insulter ta mère, et là, t’as plus qu’à le cueillir, je te le garantis.Sauf que là… je sais vraiment pas quoi leur dire… Qu’est-ce qu’il dirait, Poutine? Alors lui, il lâche rien, il va droit au but. Buter les terroristes jusque dans les chiottes. Il a pas besoin de Monsieur Jupiter pour lâcher ses petites bombes… Quand même, j’ai pas du tout apprécié sa dernière petite phrase… Sans parler de ses blagues sur Hitler… Il me cherche ou quoi?
...Je tacle le micro. Ça marche. Une panne m’aurait bien arrangé. Y a pas de bonbons? Ou des pastilles Rennie? J’ai tellement mal à l’estomac… On pourrait pas baisser les lumières, ça éblouit… Bon, c’est pas le moment de se planter.
...– Bon… jour.
...J’aime pas cette petite voix mielleuse que je prends quand j'arrive dans la conversation, les années de coaching n’y peuvent rien, j’ai besoin de quelques secondes d’acclimatation. Pour me désinhiber. M’imbiber du truc. Personne ne répond. Où il est passé, le chœur des enfants? C’est quand même un monde, ça! Le président de la République française élu au suffrage universel avec 54% des voix dit bonjour et personne ne lui répond ! C’est ça, l’Europe? C’est ça, le concert des Nations? Eh ben dites donc, ça promet… Va falloir que ça change… Bon. Pas de panique. J’écarte les mains, j’ai mal à l’estomac, je bande comme un cerf. Qu’est-ce qu’il a de plus que moi, ce type, Cécilia… Je vais m’en tirer, Maman, t’inquiète… Je suis le président de la République, personne ne peut rien contre moi…
...Ils attendent.
...Je colle mes mains au pupitre, j’ai le dos inondé de sueur, je déteste ça. Je ne sais pas quoi dire, je m'enfilerais bien une petite dose. Je lâche dans un murmure:
Mesdames et messieurs, je vous demande de bien vouloir excuser mon retard… qui est dû à la longueur du dialogue… que je viens d’avoir avec monsieur Poutine… Qu’est-ce que vous préférez?… Que je réponde aux questions?… Alors… Y a-t-il des questions? Allez-y, mouais, ouais, ben, ouais…
...Si je continue à me mélanger les pinceaux comme ça, je suis foutu. J’ai honte.
...Je pense à Chirac. Je pense à Nice. Putain, ce triomphe! Je pense à Ségonuche. Je pense à Dadu. Je pense à lui… Commence à me gonfler, Henri, avec ses théories fumeuses sur la paternité… Mais bon, il a peut-être pas tort, on se ressemble, tous les deux… Je pense àelle. Je sais qu’elle m’a déjà quitté. C’est plié. J’ai peur. L’impression d’être un môme. Un de ces jours je vais lui mettre un gauche à Guillaume il va comprendre sa douleur. Ça fait trop longtemps qu'il me cherche. Je m’en fous. Je suis le président de la République, je suis le roi.
...Et je te dis merde.
...Alors je me mets sur la pointe des pieds, je serre bien fort le pupitre, je sens la chaleur qui monte, ma vue se brouille, je pense à Cécilia, j'ai la trique, faut arrêter ça, je prends mon élan, je pense à Fufu avec la mèche à Adolf dans la scène du Grand restaurant, Guigui qui faisait la tronche quant tu l'imitais, même Dadu ça la faisait rire, alors… je me marre, et là, c’est comme un miracle, comme un oiseau je m’envole, Mindenhol vagyok, il ne peut plus rien m’arriver.
...Bon, on y va… Qui pose la première question?… Madame?…

A SUIVRE…

Chapitre 2. PHLEGMON BLUES

Paris,  21 octobre 2007



C’est pas la grande forme aujourd’hui. Mes chaussures me font mal, j'ai les pieds en compote, je suis fatigué. D'habitude, c'est le départ qui est une torture, après, tu mets un pied devant l'autre, tu sais plus comment t'arrêter. Mais là… J'ai l'impression que j’arriverai jamais en haut de cette côte. Le Premier ministre court devant moi, je déteste ça, j'aime pas marcher à l’ombre des loquedus. Va falloir que je fasse preuve de diplomatie pour le lui dire sinon il va encore me faire un caca nerveux.

..Hey, François !!

..– Je vais trop vite pour vous, monsieur le président ? Ah, pardon…

.Ah, ah, mort de rire… C'est ça, mon pote, rigole bien… Regarde-moi comment il court, ce pingouin! Ça a l'air de bien le faire chier, ces petits footings… C’est sûr que c’est plus fatiguant que tes petites virées en bagnole,  pépère ! Je lui demanderais de faire la danse des canards, je suis pas sûr qu’il refuserait… Quel imbécile !

..– C'est pas ça… J'ai du mal à m’concentrer… quand il y a… quelqu'un… devant moi… question de feeling…

.Monsieur Nobody ralentit la cadence, docile. Je le dépasse, sans un regard, juste un petit signe de la main, merci François. D’habitude en courant je cause, c’est plus fort que moi, mais aujourd'hui pas envie de déblatérer. Je sais pas combien de temps il tiendra, j'aimerais bien qu'il me fasse le quinquennat, des comme lui y en a pas deux sur le marché, faudra que je pense à le ménager. Kou-Kouche-panière serait pas mal non plus… comme partenaire, je veux dire, pas à Matignon… Les body-guard se tiennent en retrait, ces mecs m'impressionnent, un job pareil je tiendrais pas deux jours, toujours sur le qui-vive, bon, il en faut, des larbins, ça doit être dans les gênes. La voie est libre désormais. J’aime mieux ça, coco.

..La route est bordée de grands arbres, ça me rappelle les hauts pins de mon enfance, à Pontaillac. Une voiture m'a doublé, une belle voiture de sport comme celle que mon père a achetée l'année où il est parti, c'était une Lancia je crois. J’ai plein de poussière dans le visage, qu’est-ce que ça me rend furax…

..Le temps de lever le nez, elle a disparu au sommet de la côte. Envolée.

..Fillon aussi s’est envolé.

..Et les body-guards aussi.

..Ne reste plus que mon père. Tout seul au milieu de la route, au loin, qui me fait de grands signes de la main… Nicolas ! Nicolas ! Mon petit… Mon père qui m'appelle et qui ne m'attend pas… Je suis tout seul sur la route, avec ma bite et mon couteau. Ma bite, je la sens au bout de mes doigts, ça me rassure…

..Mon père n'est jamais là quand on a besoin de lui. Quand on n'a pas besoin de lui il n'est jamais là non plus. A force de ne plus le voir on n'a plus jamais besoin de lui. Mon père est un fantôme, un mirage, un rire dans l’escalier, un bout de chemin qui serpente sous les arbres et se perd dans la nuit, une ombre qui tangue, un train qui part, une auto qui passe sur la route sans s'arrêter. L'auto, tu la vois au loin, et elle revient jamais. L'auto s'en va au bout de la route et elle me fait pleurer. Je suis un petit garçon qui pleure son père et qui court pour le rattraper. De temps en temps il revient nous voir, sans prévenir. Il ne reste jamais bien longtemps. Il apporte quelques cadeaux qui ne nous font pas plaisir parce qu'on sait qu'il n'a pris aucun plaisir à nous les acheter. Des cadeaux qu'il achète pour nous acheter. Mais nous acheter il peut pas, l'addition serait trop salée. Il a beau nous passer la main dans les cheveux et roucouler avec son accent pourri, c'est écrit sur son front qu'il n'est pas là. Pas avec nous. Y que quand il nous enguirlande à cause des mauvais bulletins qu'il est là, ce sadique. Déjà ailleurs, déjà parti. On entend Maman qui gronde dans la cage d'escalier, elle ne veut pas qu'on entende mais lui il s'en fout puisqu'il est déjà dans un autre monde et qu'il nous a laissés là tous les quatre avec ses cadeaux empoisonnés.


..J'ai demandé à Guillaume pourquoi il était comme ça. "Mêle-toi de tes affaires, Nicolas Minus, t'es trop petit !" Aussi sec il m’a bousculé et je l’ai cherché, petit croche-patte en douce, il est tombé et j'ai ri. Je m'en fiche qu'il me tape quand il se relève, j'ai même pas mal même pas peur et j'ai même pas le nez qui saigne. Quand il m'appelle Minus par contre j'ai envie de le fracasser. Guigui j'ai tout le temps envie de le zigouiller. Je réponds même pas peur, même pas mal, t'es qu'un grand, t'es qu'un très, t'es qu'un très grand con !!! Et je cours vers Maman pleurant au téléphone ou faisant semblant de lire le journal et je crie maman maman, y a Guigui qui m'a dit… y a Guigui qui m'a dit… y a Guigui qui m'a dit… J'arrive pas à terminer ma phrase tellement je suis essoufflé je vais m'étouffer mais elle a compris alors elle me serre dans ses bras et c'est bien comme ça c'est doux Dadiou c'est doux Dadiou c'est doux.

..Mon père est mort depuis longtemps. Mon père est un salaud qui ne veut pas mourir. Sans relâche il ressuscite et revient nous hanter. Mon père est un homme qui pourrait demander pardon tous les jours pour toutes ses fautes mais dès qu’il s’est levé pour faire le geste tout le courage s'en est allé et au lieu de s'écrouler il se redresse comme un coq et continue sa route en roulant les "r" et en faisant le baise-main à toutes les femelles qu'il rencontre.

..Du courage.

..Quand je le vois, je me dis c'est ce qu'il faudrait. Du courage. Je vais prendre mon courage à deux mains et lui dire ses quatre vérités. Juste un mauvais moment à passer. Après tu pourras reprendre la route, reprendre ta liberté, devenir un homme et ne plus emmerder la terre entière avec tes problèmes d'enfance humiliée. Quand tu lui auras dit ta façon de penser à ce salaud.

..Un jour, c’est sorti. Tu t'étais préparé depuis des semaines. T'avais trop envie de lui rentrer dans le lard. Il a pris son chapeau, il vous a regardés, les frangins et toi, et il a dit "Jé né vous dois rrrrien." En faisant traîner le "r" comme s'il coupait la tête à une frise de lapins.

..Les autres, à l'école, ça y va. Sarkozy, son père, il a trempé sa nouille dans la bourgeoise et il s’est tiré… Sarkozy, sa mère c'est une divorcée, elle est obligée de trimer pour faire bouillir la marmite… Sarkozy, son pater, c'est un vrai nubrique, il passe son temps à dessiner des femmes nues, je l'ai vu, une fois, place de Clichy, il parlait à des créatures, faut voir comment qu’il se rinçait l'œil… Sarkozy quand il te parle t'as l'impression qu'il en veut à la terre entière, eh, Nicolas Minus, qu'est-ce qu'il t'a fait l’bon dieu, t'as attrapé la chaude-pisse de la saint-guy ou quoi !

Et ta sœur, elle bat le beurre ? c’est ça que je leur réponds à ces connards. J'en ai marre qu'on me bizute, comment je vais te foutre mon poing dans la tête, moi, tu vas voir ! Y a que Papy qui m’aime. Mais j’ose pas lui en parler. Papy il est trop vieux, bientôt il va mourir alors ça ne compte plus. Maman aussi elle m'aime. Elle me le dit pas mais je le sais. Mais maman c'est pas pareil. Maman c’est Maman. Maman elle fait ce qu'elle peut. Maman est courageuse. Elle prend des cours de soir pour devenir avocate. Maman est fragile mais droite, elle ne courbe pas l'échine comme le petit cheval en caoutchouc qui roule sous la table en couinant. Le petit cheval son nom c'est Dadu alors Maman aussi on l'appelle Dadiou, Dadiou c'est doux, c'est doux Dadiou, c'est doux…

Alors, jeune homme, on est fatigué ? Qu'est-ce que vous faites la nuit ? On joue au bridge avec le général de Gaulle ? Quand est-ce que vous allez enfin vous mettre à travailler, monsieur Sarkozy ?!?

Les autres rigolent, quelle bande de cons !

..Maman ? T'es là ? Faut que tu m’aides, tout seul je peux pas me défendre…


***


..Je suis réveillé, maintenant. Je vois des gens. Je compte, un, deux, trois… quatre… Trois avec des blouses blanches et un autre en costume cravate. Mais pas ma mère.

..Qu'est-ce je fais ici ? Qu'est-ce qui m'est arrivé ? Je me souviens d'un choc, dans la cour de récré. On jouait aux autos tamponneuses, je me suis pris un coup de poing dans la fiole, boum…

..Qu'est-ce je fais ici ?

..Vous êtes à l’hôpital, monsieur le président.

..Comment allez-vous, monsieur le président ?

..Hein ? Quoi ? Président ?… Président de qui, de quoi ? Du rallye de Neu-Neuille ?

..Les gens rient sauf le type en costard.

..Vous plaisantez, monsieur le président ?

..Je les laisse mariner trois ou quatre secondes. Le temps de reprendre mes esprits.

..Je plaisante, naturellement.

..Le médecin de l’Elysée, le général Machin, chef de service, le chirurgien, l’infirmière. L'homme en costard c’est Guéant. Il me suit partout. Comme Monsieur Jupiter. Tiens, où il est passé, celui-là ? Il doit  attendre dans la salle de repos VIP. Tout le temps dans mes pattes, j'ai l'impression qu'on est mariés ensemble, ça me fatigue.

..54% des voix, rigole le chirurgien, ça détend l'atmosphère. Bon, pas de souci. L'opération s'est très bien passée.

..100% de réussite, ajoute l'infirmière.

..Cheveux courts, joues rebondies, mignonne, fringante, racée, Arabe arabica. Me fait un peu penser à Rachida.

..C'est très agréable de se réveiller entre les mains d'une aussi charmante personne, mademoiselle. Vous travaillez ici depuis longtemps ?

..Lieutenant Fatiha Benjeloul. J'ai rejoint l'hôpital d'Instruction des Armées il y a deux ans, monsieur le président. Mon père était un harki. Mort pour la France !

..Elle se dresse sur ses talons et opère un magnifique salut militaire. On a beau être à l'hôpital des Armées et être le chef de l’État, ça fait bizarre. Qu’est-ce que je fais, là… je lui adresse mes condoléances ? Pas terrible comme idée. Faut que je trouve une petite douceur.

..Allons, allons, pas de ça entre nous… C’est magnifique ce que vous faites, vraiment ! Faudra qu’j’vous  présente à Rama Yade, elle vous plaira. Vous voulez le fond de ma pensée, Fatiha ? Comment la France a abandonné les harkis, c’était un crime de guerre…

..Ma remarque lui va droit au cœur. Si elle savait à quel point j’en ai rien à foutre que son père se soit fait casser la gueule pour l’Algérie française, la petite… Y en marre de la repentance, à la fin… Et pourquoi la petite Rama lui plairait ? Parce qu'elles viennent toutes les deux des colonies ? Cette conne n'est pas dupe mais fait semblant de mouiller sa culotte parce que je suis le président.

..Le secrétaire général de l'Elysée se racle la gorge en desserrant sa cravate, pourquoi il fait toujours chaud dans les hôpitaux, c'est un monde, ça !

..Vous vous remettez, monsieur le président ?

..Ah, Guéant… quel plaisir de vous revoir !… Ça va, mon p’tit Claude ? Pas de problème pendant mon absence ?

..Pas de problème, monsieur le président. La presse n'est pas au courant… pour vos opérations.

..Il ne manquerait plus que ça… Euh… vous avez bien dit "vos" opérations ?

..Nous en avons profité pour vous enlever le phlegmon à la gorge, explique le chirurgien. Staphylocoque doré. Sans gravité. C’est éradiqué, vous serez tranquille.

..Ah bon, j’avais aut’e chose ?

..Vous… on ne vous… On ne vous a pas…

..Je plaisante, docteur… Bien entendu que je suis au courant. Bon. Je suppose que Louvrier vous a briefé… Il ne faut surtout pas que cette opération arrive aux oreilles des médias, ce serait dramatique.

..Pas même le phlegmon ?

..Si on parle du bidule on va parler du reste… Vous savez comment sont les journalistes. Toujours prêts à faire leurs petites saloperies dès qu’on a le dos tourné… On ne me laisse rien passer, vous savez… Quand je pense que Mitterrand savait déjà qu'il avait le cancer en 81, c'est un comble !

..Toutes les mesures ont été prises pour qu’il n’y ait aucune fuite, je puis vous l’assurer, monsieur le président.

..Guéant m'a l'air dans ses petits souliers, ça ne lui ressemble pas. Lui d’habitude si olympien. Peut-être qu'il se fait du souci pour moi, tout simplement..

..Le personnel du Val-de-Grâce est irréprochable, vous le savez, ajoute le général Machin. Vous avez été hospitalisé sous le nom de Jean Gouault… c'est le nom de mon beau-frère.

..Très bien. Très très bien. Vous, au moins, les militaires… Écoutez… Vous savez c’qu’on va faire ? Vous n'avez qu'à mettre le phlegmon de côté, comme ça s'il y a une fuite ça leur fera du grain à moudre à ces connards… C’est agréable de se réveiller, tout de même… Surtout en présence d'une aussi jolie femme… Vous finissez votre service à quelle heure, mademoiselle ?

..Monsieur le président !…


..Je la fais rire. Je les fais rire. J'aime quand on rit autour de moi. On n’est pas assez heureux, en France, ça ne peut plus durer. J'ai tellement entendu de cris de haine depuis que je suis élu, ça fait du bien, j’vous jure.

..Je vous taquine… Faudra quand même que je vous présente la petite Rama. Rachida, je suis pas sûr que ce soit son truc, les hôpitaux militaires. Bon. Vous me lâchez quand ? J'ai du travail, moi…

..Nous attendons le résultat des analyses… pour le… enfin, pour les… Ce n'est pas une opération tout à fait anodine… Si tout va bien, d'ici vingt-quatre heures on vous renvoie dans vos foyers…

Ce connard sait très bien que je viens de divorcer. Se méfier de ce genre de type.

– Comment vous vous appelez, déjà ?

..Lieutenant-colonel Jean-François Platet-Müller, chirurgien-chef de l’hôpital d’Instruction des Armées. A vos ordres, monsieur le président !

..Très bien. Bon, de toute façon, je m’envole pour le Maroc demain matin, j’peux pas annuler au dernier moment, ce s’rait pas correct vis-à-vis du roi.

..J’aurais préféré vous garder encore un peu, mais si vous…

..Je m’sens frais comme un gardon, allons ! Vous avez fait du joli travail, professeur. Bravo ! Vous me le mettez au chaud pour la Légion d’honneur, Claude.

..Guéant hoche la tête, brave soldat.

..Je n'ai fait que mon devoir, monsieur le président.

..Allons, allons, vous n’allez pas cracher sur la Légion !!

..Certes non, monsieur le président.

..A la bonne heure !

..Je vous remercie infiniment. Ce fut un honneur de vous opérer, monsieur Sarkozy.

Ça lui arracherait la gueule de m'appeler "Monsieur le président", comme tout le monde ! J'aime pas les types qui m'appellent Sarkozy. Platet-Müller. A surveiller de près. On ne sait jamais.

Juste avant de quitter la pièce, le chirurgien ajoute une petite phrase qui change la donne du tout au tout.

..Je suis devenu médecin grâce à mon grand-père qui l’était aussi. C’était un ami du docteur Mallah, votre grand-père.

..Non, pas possible! Quelle coïncidence !

..Un portable qui sonne. C'est le mien. J'avais oublié ce truc. On ne l'avait pas débranché ? Mon portable dans la main de Guéant.

..Vous pouvez prendre, Claude ?… Alors ça, c'est incroyable ! Dites-moi, Claude, vous pourriez pas organiser un dîner avec le médecin-chef à l’Elysée d'ici quelque temps ?

..Pas de souci, monsieur le président. Euh, c’est Jean…

..Ah, Jean… Mon petit sucre d’orge ! Vous pouvez lui dire que je le rappelle tout à l'heure, Claude ? Vous appellerez ma mère aussi, vous voulez bien, ça la rassurera… J'aimerais bien me raser… si les autorités militaro-médicales m'y autorisent, bien entendu…

..Je fais appeler le barbier de l'hôpital, monsieur le président.

..Ah bon, il y a un barbier au Val-de-Grâce ?

..Tout est prévu, monsieur le président.

..Décidément, les militaires me surprendront toujours. Je ne sais pas si je pourrai un jour m'habituer à cette engeance.

..A propos de barbe… vous voulez que je vous en raconte une bien bonne ?… Vous savez que quand j'étais môme, je rêvais d'arriver à l'âge où j'aurais de la barbe. Je voulais être barbu et président de la République… Je regardais les planches des présidents dans le petit Larousse. Les types avec les favoris, les redingotes, les monocles, l'air ronchon… Ça me bluffait complètement ! Comme c'était un vieux dico, il n'y avait ni Coty, ni Auriol, ni de Gaulle, alors moi, forcément, je croyais que pour être président de la République, il fallait obligatoirement porter la barbe ou la moustache, comme le maréchal Pétain, qui y était, lui… Qu'est-ce que vous en pensez, mademoiselle ?

..La petite Arabica hoche la tête en rougissant. Je crois que j'ai un ticket.

..C'est une très belle histoire, monsieur le président !

..Ne répétez pas à vos collègues que j'admirais la moustache du maréchal, ça ferait jaser ces connards de la Ligue des droits de l'homme !

..Je suis une militaire, monsieur le président, vous pouvez dormir sur vos deux oreilles.

..J’aime quand on me parle comme ça.

..Dites-moi, Fatiha, j’aimerais beaucoup que vous soyez des nôtres, pour le repas à l'Elysée, avec le docteur Platet-Gruber. 

..Elle accepte en rougissant. Je me demande si c'est par timidité ou parce que Guéant l'effraie. Guéant fait peur aux gens, je sais pas comment le lui dire. Celui-ci me fournit aussitôt la réponse.

..Vous vous êtes trompé, monsieur le président. Ce n’est pas Platet-Gruber, mais Müller. Gruber, c'était le nom du médecin de Mitterrand.

..La petite Fatiha ne peut s’empêcher de rigoler. C’est contagieux. Je lève les yeux au ciel. Ils sont tous pliés.

..Zut, alors ! J'espère que le Sphinx n’en prendra pas ombrage, là-haut !

..Et que ça ne vous portera pas malheur, monsieur le président.

..Je croise le regard chagrin de l'infirmière. Je l’attrape par le bout de la blouse.

..Qu'est-ce que vous dites, mademoiselle ?

..Euh, je n'ai rien dit, monsieur le président.

..Elle ne l’a peut-être pas dit, mais elle l'a pensé, je l'ai lu dans ses yeux.

..Moi aussi je lève les yeux au ciel. Ce ne serait pas un luxe de repeindre le plafond.

Il était grand temps que j'arrive pour remettre un peu d'ordre dans ce vieux pays miné par la chienlit, vous ne trouvez pas, mon Général ?


***


..Cinq minutes plus tard, ils avaient tous quitté la pièce, me laissant seul avec le secrétaire général.

..Que fait-on pour demain? il me demande.

..Demain ? Ben, on part au Maroc, me dites pas qu’vous avez annulé…

..Je ne voulais pas parler du Maroc, monsieur le président. Demain c’est le 22 octobre. C’est le jour de la lecture de la Guy Môquet… Il y a un rassemblement au métro Guy-Môquet, d'après les RG, il… Madame la ministre de l’Intérieur refuse catégoriquement de descendre dans la fosse aux lions…

..M’étonne pas de cette conne ! Quel courage !

..On pourrait envoyer Albanel…

..Pitié, pas elle ! Dites-moi, Claude, on a vraiment besoin d’envoyer un ministre ?

..Vous avez raison, un subalterne fera très bien l’affaire. Que diriez-vous du sous-préfet d’Ile-de-France ?

..Très bien, le sous-préfet ! Il doit un peu s’emmerder, ça lui fera une petite sortie. Maintenant, si vous voulez bien me laisser seul quelques instants, Claude… J’ai besoin d'être seul.

..Oh, bien sûr, monsieur le président… Je vous appelle ce soir.

..J'avais surtout envie de chialer, ouais. J'ai envoyé un SMS à mon ex-femme, en la suppliant de venir me voir. Dans l’heure qui suivit elle était à mon chevet.


***


22 octobre 2007, 18 heures


..Alors, Claude, comment ça s’est passé, cette petite manifestation ?

..Mal, monsieur le président. La foule criait… "Sarko facho".

..C’est pas la première fois, et ce sera pas la dernière…

..Le problème, c'est que le sous-préfet s’en est pris à une manifestante, une mère de famille colombienne qui accompagnait sa fille, je ne sais pas ce qui lui est passé par la tête… La police l’a embarquée au poste, ces imbéciles l’ont un peu bousculée, elle avait les traits asiatiques…

..Et c'est pour ça que cet imbécile de sous-préfet s’en est pris à elle ?

..Il ne semble pas avoir inventé la poudre, mais ça m’étonnerait, tout de même.

..Elle a des papiers ?

..Elle est  française, monsieur le président… La préfecture se demande ce qu'elle doit faire.

..Qu’ils la relâchent, bordel ! 

..Elle l'est déjà, monsieur le président. Le problème n'est pas là…

..Où il est, alors, le problème ?

..Le sous-préfet prétend qu'elle a crié "vous êtes un facho".

..Et alors ?

..C’est un outrage caractérisé, monsieur le président.

..Rappelez-moi le nom de cet imbécile, déjà…

..– Lacave, Frédéric Lacave. Quant à la dame, c’est une certaine… Maria Vuillet… Vous pensez qu'il devrait porter plainte ?

..Ça pourrait faire un exemple… Voyez ça avec Ouart. S’il y a matière à poursuites, il tranchera.

..Vous ne pourriez pas en toucher deux mots à Madame le garde des Sceaux, monsieur le président ? Elle dîne avec vous ce soir, si je ne m’abuse.

..Je vais pas gonfler Rachida avec ça, mon vieux. Voyez ça avec le conseiller… Bon, je vous laisse, je suis attendu par Mohammed VI.